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MODES DE VIE : La famille

famille Hampi

famille de Hampi

photo funtastica

La famille constitue l'unité fondamentale de la société indienne, de manière bien plus marquée qu'en Occident, où l'individu est généralement privilégié. En Inde, être sans famille est souvent perçu comme une situation dramatique. Il s'agit ici non pas de la famille nucléaire, mais de la famille élargie, qui peut regrouper jusqu'à quatre générations sous un même toit. Outre les parents et les enfants, on y trouve fréquemment les grands-parents, les belles-filles, ainsi que des oncles, tantes, ou arrière-grands-parents célibataires ou veufs, ce qui peut représenter une douzaine de personnes, voire davantage.

 


La structure familiale est traditionnellement patriarcale : le père, ou à défaut les aînés masculins, détient l'autorité et prend les décisions, souvent après consultation des épouses, bien que leur avis ne soit pas toujours déterminant. Cette organisation favorise la transmission quasi inchangée des traditions, des valeurs et des pratiques culturelles. Les enfants y apprennent les règles liées aux castes, les grandes épopées hindoues comme le Mahabharata et le Ramayana, ainsi que les rituels et codes régissant les relations sociales. La famille joue également un rôle clé de protection sociale, assurant nourriture, logement et soutien à tous ses membres, quelles que soient leurs conditions. En retour, chaque individu contribue au foyer selon ses moyens et capacités. Les activités de loisirs, telles que les visites de temples, les sorties au restaurant ou les voyages, se font généralement en famille.

 

Cependant, cette structure familiale peut se fragiliser dans des circonstances graves, l'extrême pauvreté étant l'une des causes principales. Dans ces cas, la famille se réduit souvent à une structure nucléaire (parents et enfants). Le recensement de 2011, dont la première phase s'est déroulée d'avril à septembre 2010, a révélé une évolution notable : l'émergence croissante de la famille nucléaire, marquant un changement significatif dans une société où la famille élargie restait jusqu'alors la norme.


 



famille de Pondichéry

famille de Pondichéry

photo Ma Gali

La structure d'autorité dans un foyer indien traditionnel est clairement définie, bien que son application varie selon les régions, les classes sociales et les contextes urbains ou ruraux. Le père, en tant que chef de famille, exerce une autorité centrale. Il est respecté et ses décisions sont rarement contestées ouvertement dans la vie quotidienne. Après consultation des autres membres du foyer, il tranche sur les questions importantes, telles que le mariage des enfants, leurs études, leur carrière, la gestion des terres agricoles ou les orientations de l'entreprise familiale. Il contrôle également les dépenses majeures. Toutefois, cette autorité patriarcale n'est pas toujours absolue : dans de nombreux foyers, les discussions incluent les avis des autres, notamment ceux de l'épouse, bien que le père conserve généralement le dernier mot.

 

Au-dessous du père, les autres hommes adultes de la maison, comme les frères aînés ou les oncles, exercent une autorité sur les enfants et, dans certains cas, sur les femmes, à l'exception de leur mère. Les épouses ont principalement autorité sur leurs enfants. Une veuve, cependant, peut acquérir un statut particulier : si elle devient la figure aînée du foyer, elle peut exercer une influence significative, bien que, dans certains cas traditionnels, elle doive s'en remettre à son fils adulte pour les décisions majeures. Dans le sud de l'Inde, notamment dans des États comme le Kerala ou le Tamil Nadu, les femmes bénéficient traditionnellement d'une plus grande autonomie, en partie en raison de systèmes matrilinéaires ou d'une culture moins rigide sur les rôles de genre. Dans les centres urbains et parmi les classes moyennes et aisées, la structure d'autorité est souvent plus souple, avec un dialogue plus marqué au sein du couple et une prise de décision parfois partagée.

 


Le respect des aînés est une valeur profondément enracinée dans toutes les régions de l'Inde. Ce respect se manifeste par un langage déférent, des gestes de politesse et une attitude attentionnée. Les grands-parents, ainsi que les oncles et tantes âgés, sont pris en charge par la famille, qui leur fournit nourriture, logement et soins. Dans les familles traditionnelles, il est courant que plusieurs générations cohabitent, incluant des aînés respectés, traités avec bienveillance et affection. Cette pratique reste répandue, bien que l'urbanisation et l'émergence de la famille nucléaire dans certaines zones modifient progressivement ces dynamiques.

Le rôle du fils dans la famille indienne

 

Dans la société indienne traditionnelle, le fils joue un rôle central au sein de la famille. Il est considéré comme le garant de la sécurité des parents à leur vieillesse, le successeur des terres ou de l'entreprise familiale, et le perpétuateur de la lignée. Dans le cadre religieux hindou, il est le seul à pouvoir accomplir les rites funéraires essentiels à la mort des aînés. Le rite du shraddha, par exemple, est une cérémonie clé où le fils, en collaboration avec des brahmanes, effectue des rituels funéraires pour apaiser l’âme du défunt, souvent le père, et faciliter sa transition vers une nouvelle réincarnation. Selon les croyances hindoues traditionnelles, si ce rituel n’est pas correctement réalisé, l’âme risque de devenir un bhut, un esprit errant qui peut troubler les vivants.

L’absence de fils est donc souvent perçue comme une source d’inquiétude majeure, car les filles, dans les contextes traditionnels, ne peuvent généralement pas accomplir ces rites funéraires ni hériter des biens familiaux, bien que des réformes légales récentes accordent désormais des droits d’héritage aux femmes. À la naissance, une fille est accueillie avec joie, mais cette célébration peut être teintée d’appréhension en raison des coûts associés à la dot, bien que cette pratique soit officiellement illégale depuis 1961. Vers l’âge de 18 à 25 ans, une fille rejoint traditionnellement la famille de son mari, réduisant souvent ses liens pratiques avec sa famille d’origine, bien que les relations émotionnelles puissent perdurer. Dans certains cas, les couples persistent à vouloir un fils, même après plusieurs filles, en raison des attentes culturelles et religieuses, bien que cette pratique tende à diminuer dans les zones urbaines et parmi les classes éduquées.

Les liens familiaux dans les familles urbaines

Dans les familles urbaines indiennes, les études sociologiques soulignent que le lien entre la mère et le fils est souvent le plus fort, surpassant largement celui entre l’époux et l’épouse, qui se classe généralement parmi les moins intenses, juste devant le lien entre sœurs. Traditionnellement, une jeune épouse est valorisée pour sa capacité à donner naissance à un fils, ce qui renforce son statut au sein de la famille élargie et dans la société. Bien que cette attente soit moins marquée dans les milieux urbains modernes, l’absence de fils peut encore être perçue, dans certains contextes, comme un échec personnel pour la femme, influençant son rôle et son influence au sein du foyer. En conséquence, la mère investit souvent une affection particulière dans son fils, qui, en retour, développe un lien étroit avec elle. Même parmi les hommes modernes et éduqués, il est fréquent d’observer une forte influence de la mère sur des décisions importantes, comme le choix du conjoint ou la carrière, parfois au détriment des préférences personnelles de l’individu.

Le rôle de la belle-mère

Dans les familles élargies, la belle-mère peut parfois jouer un rôle conflictuel, reproduisant parfois les tensions qu’elle a elle-même vécues lorsqu’elle est entrée dans la famille de son mari. Ces tensions peuvent se manifester par des comportements autoritaires, comme limiter les interactions entre le couple ou semer la discorde par des critiques ou des insinuations à l’encontre de la belle-fille. Dans des cas extrêmes, notamment dans des contextes liés à la dot, des abus graves, y compris des violences pouvant aller jusqu’au meurtre (parfois par immolation), ont été rapportés, bien que ces cas soient rares et fortement condamnés. Cependant, il est important de ne pas généraliser ce stéréotype. Dans toute l’Inde, de nombreuses belles-mères font preuve de bienveillance et de comportements exemplaires, favorisant des relations harmonieuses au sein de la famille.

 

enfants colva

enfants de Goa

photo Pondspider

L’enfance en Inde

Un proverbe indien affirme que, durant ses cinq premières années, un enfant doit être traité comme un prince, pendant les dix années suivantes comme un serviteur, et à partir de seize ans, comme un ami. Cette maxime reflète en partie la réalité des pratiques éducatives traditionnelles. La petite enfance est souvent marquée par une grande indulgence, y compris pour les filles, lorsque les ressources familiales le permettent. Les bébés sont nourris au sein à la demande, portés constamment, et bénéficient de l’attention continue des membres de la famille élargie, au point que l’enfant peut parfois confondre sa mère avec ses tantes. Les enfants grandissent entourés de cousins et cousines, favorisant le jeu en groupe plutôt que solitaire. Ils dorment d’abord avec leurs parents, puis avec leurs frères et sœurs, rarement seuls. L’apprentissage de la marche, de la parole ou de la propreté se fait par observation et imitation, sans enseignement formel. Très tôt, les enfants comprennent leur place dans la hiérarchie familiale et apprennent les gestes et mots de respect appropriés.

 

Dans les familles pauvres, particulièrement en milieu rural, l’enfance est souvent plus austère, surtout pour les filles. Les mères, travaillant fréquemment sur des chantiers de construction ou dans la réfection des routes, laissent parfois leur bébé suspendu dans un berceau de tissu artisanal accroché à un arbre ou déposé sur un matelas à l’ombre sur le lieu de travail. La fille aînée assume souvent la responsabilité des plus jeunes, et il n’est pas rare de voir une enfant porter un frère ou une sœur presque aussi grand qu’elle tout en tenant un autre par la main.

 

Avec l’émergence de la famille nucléaire dans les centres urbains, il devient plus difficile de reproduire l’attention collective des familles élargies. Cependant, l’idéal d’une enfance choyée persiste. Lorsque les conditions économiques le permettent, les grands-parents, tantes ou oncles peuvent intervenir pour offrir un soutien comparable à celui des familles élargies traditionnelles.