La croissance de la population indienne représentera le défi majeur de l’Inde au XXIe siècle. En effet, le bond démographique pourrait précipiter le pays en pleine apocalypse au cours des prochaines décennies. Il suffit d’étaler quelques chiffres pour mesurer l’ampleur des problèmes qui attendent l’état indien.
En 2017, le nombre de citoyens indiens s’élève à 1,3 milliard d'habitants. L’augmentation annuelle nette tourne autour de 19 millions d'habitants, en tenant compte du taux de mortalité C'est donc que tous les 5 ans, il s'ajoute à l'Inde 95 millions de résidants, l’équivalent du Mexique.
Cet accroissement provoque d’énormes pressions sur les infrastructures du pays; construction d’écoles et logements déficitaires, engorgement des routes et des transports publics, pollution environnementale, épuisement des sols, etc. La pénurie d’eau représente déjà un problème majeur de grandes villes comme Delhi. La production d’électricité s’avère aussi nettement insuffisante, des pannes et arrêts planifiés se produisent tous les jours sur tout le territoire.
Delhi
photo Jack Zalium
Les programmes de régulation des naissances, malgré les efforts réels de l'état indien, ont connu un échec retentissant. De plus, le taux de mortalité qui lui régresse concourt à annuler les gains obtenus des tentatives de stabilisation. Les citoyens de la nation indienne continuent de croître avec un indice de fécondité par femme de 2.62 enfants (il s’élève à 1.7 en Chine, 1.6 au Canada et 2 en France). À ce taux, le nombre d’occupants devrait dépasser la Chine avant 2035. Au début des années 80, un programme ambitieux du gouvernement visait à ralentir la progression de la population pour arriver à 900 millions d'habitants en l'an 2000 et stabiliser celle-ci à 1.2 milliard en l'an 2050. Ce palier a déjà été atteint 40 ans plus tôt.
Les méthodes de limitation des naissances, basées sur la responsabilité
individuelle, ont connu très peu de succès. À peu près toutes les
techniques, condoms, stérilets et pilules sont inconnues d'une forte
proportion d'Indiens ou font l'objet d'une suspicion qui en bloque le
développement. Réguler la mise au monde entre en contradiction avec la
mentalité et les besoins économiques ou religieux de la population
indienne. Les hindous conçoivent difficilement une famille sans un
minimum de deux fils, qui incarnent la fierté des pères. Ils
représentent la sécurité pour leurs vieux jours et une force de travail
disponible dès l'enfance. À ceci, s’ajoute la crainte de voir ces
derniers mourir en bas âge, la mortalité infantile se trouvant très
supérieure à celle des pays occidentaux. Les musulmans se sont opposés
encore plus vigoureusement à la planification des naissances, y
décelant une insulte à leurs croyances et un moyen délibéré de diminuer
leur minorité.
Projection de la croissance
graphique R.Meury
La pression démographique pousse la population rurale vers les villes, gonflant l’occupation urbaine de 50 % tous les 10 ans. Les grandes cités se retrouvent de plus en plus infréquentables. La proportion des occupants vivant dans les agglomérations représentait 17 % en 1951 et s’élève à plus de 30 % aujourd’hui. Selon un rapport de l'ONU de 2011, la population urbaine du pays devrait passer de 30% à 60% d'ici à 2030, pour atteindre 606 millions d'habitants. Cette invasion pèse lourd sur les services municipaux, congestion des transports, insuffisance des infrastructures en eau et électricité, hôpitaux et équipements scolaires. Les villes deviennent bruyantes, sales, polluées, s'écroulant sous le poids de leur population. Le voyageur de l'Inde, qui s'émerveille avec raison de la beauté de la campagne indienne, s’interroge sur ce qui pousse ses concitoyens à migrer vers les bidonvilles urbains. C'est que la terre n'arrive plus à nourrir ses habitants, et ne procure plus assez de travail. Beaucoup des paysans de basses castes recrutés par des propriétaires terriens ont des revenus ne dépassant guère un dollar par jour. Dans les quartiers pauvres des villes, ils se développent des micro-économies qui permettent souvent de se tirer mieux d’affaire.