Infoinde.com


SPIRITUALITÉ : Krishna et le Mahabharata

Mahabahratta

Mahabharata, sculpture de bois

photo thaths


La huitième incarnation de Vishnou, Krishna, représente la divinité qui suscite l’adoration la plus grande chez les hindous. Sa vie est racontée en tranches bien distinctes dans le Mahabharata soit sa jeunesse et sa période adulte. La première peut être interprétée comme un yoga précis permettant d’accéder à l’extase et l’amour divin. La seconde est marquée par l’enseignement spirituel qu’il dispense sur la façon de se comporter dans la vie active, enseignement qui est condensé dans la Bhagavad-Gita.



Le Mahabharata constitue le plus long poème jamais composé, comptant plus de 100000 strophes en sanskrit. Il est environ 15 fois plus long que la Bible. Les premières rédactions, qui recueillaient de très anciens écrits, remontent au IVe ou Ve siècle avant notre ère. Cette rédaction s’est poursuivie pendant sept ou huit cents ans pour ne trouver une forme définitive qu’au IIIe ou IVe siècle de notre ère. De nombreuses additions furent apportées au récit premier et jusqu’au XXe siècle des variantes de toutes sortes se sont multipliées, selon les provinces, les traditions, les interprètes, les collèges de rédacteur. Une seule traduction complète existe en anglais, effectué au début du XXe siècle par des Indiens de Bombay. Bharata est d’abord le nom d’un sage légendaire, puis celui d’une famille ou d’un clan. Ainsi, le titre peut se traduire comme la Grande Histoire des Bharata. Mais par extension, Bharata signifie aussi hindous (Bharat est le nom donné à l’Inde dans la Constitution Indienne), et plus généralement homme. Il s’agirait donc de La Grande Histoire de l’Humanité. Les événements que raconte le poème ont probablement une source historique comme l’admettent la plupart des spécialistes. Il semblerait aussi que l’auteur, présent et actif dans le récit sous l’appellation de Vyasa, ait à un moment existé. Il apparait aussi plausible que la jeunesse de Krishna se réfère à des éléments ajoutés au Moyen Âge seulement alors que le Mahabharata original ne fait survenir celui-ci qu’à l’âge adulte.


Sa jeunesse

Krishna et Rada

Krishna et Rada

photo greenwood100

Vishnou s’incarne en deux personnes, Krishna et son frère aîné Balarama à la demande de la Terre martyrisée par les asuras. Il est entouré d’êtres humains et d’animaux (des vaches) qui sont eux-mêmes des incarnations de puissances célestes ou quasi divines venues profiter de sa venue sur terre. Il est aussi accompagné d’êtres diaboliques humains, les asuras, comme Kamsa suzerain de son père adoptif, et des animaux ou monstres représentant les forces qu’il veut combattre. Sa mère Devaki est princesse et cousine germaine de Kamsa. Ce dernier a été averti par un messager de Vishnou, Narada, de l’arrivée sur terre de Krishna dans le sein de Devaki et s’efforce de le faire assassiner avant sa naissance et au fur et à mesure qu’il grandit. Pour y échapper, Balarama sera transféré dans le sein de Yashoda dont le mari, Nanda, est chef d’une tribu de pâtres. Quant à Krishna, son père peut lui substituer une fille de Yashoda qui personnifie une incarnation de la Maya de Krishna. Kamsa charge alors les asuras d’aller tuer l’enfant. Chacun d’eux représente un obstacle pour l’être humain dans ses efforts de développement spirituel.

Ces obstacles sont :


Balakrishna

Balakrishna (Musée de Delhi)

photo ptwo

-l’amour maternel possessif, sous la forme d’une nourrice au sein enduit de poison;

-les dangers qui se présentent lors de la prise de conscience du corps physique : un chariot qui menace de s’écrouler sur l’enfant;

- les entraves posées par l’éducation intellectuelle, symbolisées par un petit cyclone;

-le manque de discernement, la tentation de s’attarder sur la route ou de se consacrer aux activités de ce monde;

-l’orgueil;

-le refus de s’abandonner complètement au divin, etc.


Ce sont ensuite des obstacles plus subtils, non représentés par des asuras, mais par des dieux soulignant des tendances autres que la spiritualité : jouissance du monde, intellectualité, etc. Les jeunes bergères, les gopîs, personnifient l’adorateur de Dieu, mais sont encore soumises à des ambitions. Elles se croient la préférée ou voudraient l’être, font passer l’aspect sensuel au premier plan, etc. C’est seulement lorsque tous ces obstacles sont balayés que s’opère la grande fusion avec le Divin, avec Krishna. L’amour des gopîs pour Krishna évoque la plus haute forme d’amour dont l’homme est capable. Il est illustré par une scène où chaque gopîs se montre avec un Krishna à côté d’elle et un autre au centre jouant de la flûte sur les sables dans le lit de la rivière sacrée Jamuna. Cette scène s’est déroulé sur la terre sacrée de Brindavan, au sud de Delhi et encore aujourd’hui le grand centre d’adoration de Krishna.


Après le yoga de l’amour, celui de la force. Krishna et son frère affronteront Kamsa (l’asura) en triomphant de ses armes matérielles (son arc), et de sa puissance animale (son éléphant) et de sa force humaine (ses athlètes). Après quoi ils tuent l’asura lui-même ainsi que ses frères et peuvent rétablir l’harmonie dans le pays. 

 

Vie adulte

Krishna et Arjuna

Krishna et Arjuna

photo Redtigerzyz

Krishna entrera en contact avec les cinq frères Pandava, qui vont jouer un rôle considérable dans une guerre ou s’opposeront deux puissantes coalitions. Avant de s’engager dans le conflit, Krishna épousera successivement sept princesses qui correspondent à des puissances dont il doit s’assurer de la maîtrise. Deux d’entre elles soulignent la continuité entre l’action de Krishna et Rama. L’une s’appelle Laksmana, le nom du frère de Rama, l’autre Satyabhama, est la fille de Jambavat, le roi des ours qui fut l’allié de Rama dans le Ramayana. La principale se dénomme Rukmini, incarnation de Lakshmi, comme l’était Radha, la première des gopîs.


Le conflit oppose deux branches d’une même famille royale, les Kauravas et les Pandavas. Pandu est le père des Pandavas, qui possédait cinq fils, des réincarnations d’Indra. Le cousin germain de Pandu, Dhritarashtra, avait cent fils, les Kauravas, que dirigea l’aîné Duryodhana. Par des tactiques déloyales, les Kaulavas, qui symbolisent les forces du mal, parviennent à évincer les Pandavas et les condamner à l’exil pour treize ans. Krishna, qui a des amis et parents dans les deux camps échoue dans ses tentatives de réconciliation.


Avant le début des hostilités, les deux clans sollicitent l’alliance de Krishna. Arjuna et Duryodhana arrivent en même temps dans sa chambre où ils le trouvent endormi. Il se réveille et répond qu’il mettra l’armée et son trésor à la disposition de l’un des camps et qu’il servira personnellement dans l’autre camp comme non-combattant. Duryodhana a le premier choix et choisit bien sûr l’armée et le trésor. Krishna décide de conduire sans armes, le char d’Arjuna.


Le lien maître à disciple qui unit Krishna l’instructeur divin à Arjuna est considéré comme le plus parfait. Un des épisodes les plus significatifs est celui dans lequel Arjuna et Krishna arrivent à détruire la forêt des dualités que défendent ensemble Indra (dieu de la multiplicité) et Agni, qui transmettent aux dieux la prière des humains. Avec l’assentiment de Krishna, Arjuna enlève et épouse la sœur d’Agni, Subhadra. Notons que Arjuna représente à la fois l’incarnation et le fis d’Indra chez qui d’ailleurs il fait de longs séjours pour obtenir des armes plus efficaces. Sur le plan yoguique, c’est l’aboutissement final et suprême de l’intellect (Arjuna) poussé à son plus haut point (Indra) et qui se laisse guider par la spiritualité (Krishna).


Lorsque va s’engager la bataille décisive de Kurushetra et que les deux armées sont alignées en face de l’autre, Arjuna est déchiré entre son devoir de guerrier et sa répugnance à tuer des parents, des maîtres, des amis, qui se trouvent dans le camp opposé. C’est alors que se déroule le célèbre dialogue de la Bhagavad-Gita, une offrande de l’action offerte à Dieu sans désir des fruits de l’action. Après douze journées de combats homériques, il ne reste que quelques rares survivants parmi lesquels Krishna et les cinq frères Pandavas qui gouvernent à nouveau leur royaume.


Krishna retourne dans sa capitale, Dvaraka pour retrouver ses sujets qui ont perdu toute décence et s’adonnent au luxe. Un jour, un groupe d’entre eux offensent les rishis, qui maudissent toute la race et la condamnent à s’entre-tuer avec de miraculeux pilons de fer. La malédiction se réalise.


À la vue de ce spectacle, Krishna sait que son séjour sur terre a pris fin. Il s’étend dans un fourré et y attend la mort. Un chasseur qui passe croit voir un animal et le tue d’une flèche, 36 ans après son retour à Dvaraka. Il remonte dans son Paradis.