Temple du soleil à Konarak
photo Rita Wilaert
Au Nord, à la fin du VIe siècle, l’empire Gupta, divisé et affaibli, sombre dans le chaos. En l’an 500, une grande partie de l’empire avait déjà été conquise par les Huns. De petits royaumes se disputeront les territoires jusqu’aux premières invasions musulmanes vers l’an mille. La présence étrangère persistera en Inde du Nord pendant plus de mille ans et le pays ne retrouvera sa complète indépendance qu’au milieu du XXe siècle.
Quelques dynasties hindoues sont à l’origine de plusieurs chefs-d'œuvre de la sculpture à cette époque. En Orissa, Bhubaneshwar, Puri et Konarak forment un véritable Triangle d’or de l’édification de temples. Pendant le règne Maurya, l’Orissa se trouvait sous la domination du royaume Kalinga, en guerre avec l’empire Maurya. Ce royaume est à l’origine de l’architecture Kalinga, caractéristique des temples de cette région. À Bhubaneshwar, la cité des temples, le plus spectaculaire est le temple de Lingara (roi des lingams), dédié à Shiva et construit par la dynastie Keshasri au XIe siècle. Culminant à 55 m de haut, entouré d’un mur, il comprend une cinquantaine de petits temples, avec une profusion de sculptures.
Le temple de Jagannath (Krishna) à Puri représente un des plus importants centres de pèlerinage de l’Inde. Il est fameux pour son festival du chariot. Sa construction date du XIe et XIIe siècle. Sa superficie s’étend sur 37000 m2 et environ 120 temples sont contenus à l’intérieur de son enceinte fortifiée. Les non-hindous ne peuvent le voir que de l’extérieur malheureusement, tout comme le temple de Lingara.
Le temple de Surya (temple du soleil) se trouve dans le village de Konarak, à 35 km de Puri. Construit au XIIIe siècle par la dynastie Ganga, ce temple exulte la grandeur par sa dimension, son style et la qualité de ses sculptures. Il fut conçu comme un chariot géant pour le dieu Surya, porté par 12 paires de roues (les 12 mois) et tiré par sept chevaux (les 7 jours). Konarak fut longtemps un lieu d’adoration du soleil, un culte peu répandu sur le territoire indien. Mentionnons également que l’Orissa a la réputation d’avoir joué le rôle de centre tantrique important comme en témoigne ses temples et ses sculptures.
À l’ouest de l’Orissa, à la même époque dans l’État du Madhya Pradesh, la dynastie Chandela construisait les temples de Khajurâho (du Xe au XIIe siècle). Connu dans le monde entier pour ses sculptures érotiques, ce site est aussi inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO. Il s’agit d’un complexe de 22 temples (85 à l’origine) qui représente la quintessence d’un art vieux de mille ans. On y retrouve, en plus de sa statuaire érotique, les dieux et déesses hindous, les soldats, les danseurs célestes, les animaux, etc. Les scènes de couples érotiques enlacés doivent être interprétées à la lumière de la philosophie du yoga.
Palitana, centre de pélerinage jaïn
photo Amre Ghiba-Le Batteur de Lune
La période médiévale sera une époque faste pour la construction des temples Jains, particulièrement dans l’ouest du pays, au Gujarat et au Rajasthan. Nous ne citerons ici que trois des plus célèbres thirtas (lieux de pèlerinage Jain). Les temples de Dilwarâ au Mt Abu, érigés du XIe au XIIIe siècle, sont mondialement célèbres pour leur utilisation stupéfiante du marbre. Toutes les parties des temples, plafonds, portes, murs, piliers, sont ciselées dans ce matériau comme de la dentelle. Plusieurs croient qu’aucun site Jain ne se rapproche de la perfection architecturale atteinte à Dilwarâ. Le thirta le plus sacré se situe au Gujarat à Palitana. Au haut d’une montagne, que l’on atteint par l'ascension de 3200 marches (1 h 30), on se retrouve devant plus de 863 temples Jains taillés dans le marbre. La construction commença au XIe siècle et s’est étendue sur plusieurs centaines d’années. C’est un lieu tout à fait spectaculaire. Le troisième se trouve au sud, dans le Karnataka à Sravanabelagola, avec une statue Jain de 17.5 m de haut façonnée dans un monolithe en granite représentant Gomatheswara (un des 100 fils de Tirthankara, fondateur du Jaïnisme). Tous les douze ans, une grande fête rassemble des millions de pèlerins sur ce site.
Temple Hoysala à Somnathpur
photo Geoprimary
Le centre du Karnataka actuel fut le lieu d’émergence de la dynastie des Hoysala qui régna, à partir de Belur, du Xe au XIVe siècle. D’abord tributaires des Chalukyas plus au nord, ils finirent par établir leur propre empire et devinrent de prolifiques bâtisseurs. Leur architecture se veut un amalgame des styles dravidiens et indo-aryens. Elle est caractérisée par le mandapa (salle avec un plafond soutenu par des colonnes) que l’on accède en passant sous un linteau au motif complexe. Le mandapa forme la pièce la plus grande du temple avec un plafond richement décoré des figures de la mythologie hindoue. Le treillage figure également de caractéristique récurrente des temples Hoysala. Le vimanan désigne la pièce où réside la divinité tutélaire. Les murs sont gravés des épisodes du Ramayana et du Mahabharata. On retrouve aussi dans les recoins et niches de ces murs des thèmes érotiques. Les temples les plus visités de cette dynastie se trouvent à Belur, Halebid et Somnathpur.
Au Tamil Nadu, la dynastie Chola supplanta la dynastie Pallava et régna du IXe au XIIIe siècle. Elle laissera un héritage durable grâce à son soutien à la littérature tamoule et à son zèle pour la construction de temples. Les Chola furent à l’origine d’une forme centralisée de gouvernement et instaurèrent une bureaucratie disciplinée. Sous leur gouverne, les temples, en plus d’être des lieux de culte, devinrent des centres d’activité économique. Les temples remarquables des Chola étaient construits selon les règles prescrites dans le Vastu Shastra et dédiés la plupart du temps à Shiva ou Vishnu. Ils sont caractérisés par leurs énormes gopuram (portes d’enceinte des temples en forme pyramidale) décorés d’une profusion de sculptures de divinités ou figures mythiques, de magnifiques vimana (tour surmontant le sanctuaire) et mandapas.
Une autre caractéristique de l’art Chola est le travail du bronze. Leurs statuettes sont d’une beauté exquise, avec une attitude et expression du visage très explicites et un corps gracieux. Souvent, les personnages sont sculptés en train d’effectuer un mouvement. On pourra admirer quelques-unes de ces statuettes au musée du palais de Tanjore, à quelques kilomètres d’un des plus beaux temples de la dynastie Chola, le temple Brihadishwara.
Parvati, bronze Chola
photo Thiago"TH"
L’empire Vijayanagar régna sur le Deccan de 1336 à 1646, donc environ trois siècles bien que son pouvoir ait fortement décliné à partir de 1565 suite à sa défaite aux mains des sultanats du sud de l’Inde. C’est la capitale de l’empire, Vijayanagar, qui donna son nom à celui-ci et dont les ruines se trouvent aujourd’hui à Hampi, site inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO. Cet empire laissa un héritage riche en monuments dans toute l’Inde du Sud.
Les monuments de l’empire Vijayanagar représentent un mélange hybride
ou l’on retrouve des éléments de l’architecture Chalukya, Hoysala,
Pandya et Chola. Ces mélanges aboutirent avec le temps à un style
unique, le style Vijayanagar. Alors que les temples des quatre
siècles précédents étaient construits avec du schiste ou de la stéatite
(pierre savon), ceux de l’empire Vijayanagar utilisaient le plus
souvent du granite, matériau beaucoup plus dur. Les temples étaient
entourés d’enceintes fortifiées. Les éléments qui le composent sont,
avec des variantes, le garbhagriha
(pièce réservée à la divinité), le
shukanasi (antichambre), le navaranga (vestibule), le mandapa
(hall),
et le rangamandapa (hall de
piliers clôturé). Les temples les plus gros
possèdent des gopuram de même style que ceux des temples Chola. Les
piliers sont finement décorés avec des gravures et des hippogriffes
(chevaux ailés) de 2 à 3 m de haut. Des sculptures d’éléphants sont
disposées aux entrées de chaque côté du temple.
Le temple Sri Ranganathaswamy à Trichy représente un exemple remarquable de l’architecture Vijayanagar. Un des plus grands temples de l’Inde, il s’étend sur une surface de 630,000 m², est protégé par sept murs concentriques, possède 21 gopurams et un mandapa à 1000 piliers.