Le Qutb Minar
photo chaostrophy
L’implantation d’empires islamiques en Inde entraina de nombreux
changements dans l’arène politique et sociale. Ces changements se
transposèrent également dans l’architecture, la sculpture et la
peinture. Le premier sultanat fit son apparition au début du XIIIe
siècle avec la dynastie des Mamelouks. Puis des dynasties comme celle
des Khalji, des Tughluq, des Sayyides et des Lodhi suivirent. Ces
différents empires sont collectivement dénommés sultanats de Delhi.
Les caractéristiques des monuments des premiers sultanats de Delhi lancèrent la tendance et demeurent parmi les plus beaux exemples de l’art islamique en Inde. Ultérieurement, ses éléments architecturaux seront fusionnés dans l’architecture indienne pour aboutir au style indo-islamique. Les sultanats introduisirent le dôme et l’arche. Les dômes perses devinrent des dômes en motif hindou de fleur de lotus. C’est que les artisans qui construisaient les monuments musulmans provenaient souvent de la communauté hindoue. Les monuments les plus remarquables vinrent des premières dynasties puis dégénérèrent par la suite jusqu’à la disparition des sultanats.
Les plus admirables furent tous situés à Delhi, tel le Qutb Minar, plus haut minaret du monde et l’Alai Darwaza, porte d’accès à la mosquée juste à côté du Qutb Minar. Avec le temps, les particularités de l’architecture des sultanats subirent plusieurs variations régionales. Ainsi, les souverains musulmans du Gujarat, du Penjab, du Bengale, du Malwa (ouest du Madhya Pradesh et sud-est du Rajasthan), du Cachemire et du sud de l’Inde apportèrent leur soutien à de nouveaux styles.
Simultanément, les spécificités du style des sultanats furent adoptées par l’architecture hindoue. Ce trait est marquant dans les constructions rajputes. Si les thèmes abordés dans les palais et forteresses rajputes s’avèrent hindous, l’architecture est persane.
Mausolé d'Humayun
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Le dernier sultan de Delhi, Ibrahim Lodi, fut vaincu par le fondateur de l’Empire moghol en Inde, Babur (fils de Tamerlan), lors de la célèbre bataille de Pânipat en 1526. Cet empire demeurera à son apogée jusqu’en 1707 sous le règne de six grands Moghols : Babur, Humayun, Akbar, Jahangir, Shah Jahan et Aurangzeb. Sous ce dernier, l’empire entame un lent et continu déclin pour une période de 150 ans. C’est sous le règne d’Akbar et Shah Jahan que l’art et l’architecture prospèrent le plus.
L’architecture et la sculpture atteignent une perfection
exceptionnelle
sous les Moghols. L’emploi du grès rouge, la symétrie bilatérale,
l’utilisation extensive du marbre blanc, les ornements géométriques
et les dômes hémisphériques représentent des traits architecturaux qui
permettront l’édification des plus beaux bâtiments de style
indo-islamique. Ce sont les Moghols qui introduisirent la technique de
la « Pietra Dura » qui consiste en des incrustations géométriques de
pierres semi-précieuses dans le marbre blanc. C’est de ce dernier
matériau que seront façonnés la plupart des édifices religieux. De
petites constructions comme les chatrî
(petits kiosques ouverts
surmontés d'une coupole) ou des jharokâ
(fenêtres rendant possible les
apparitions officielles de l'empereur) devinrent caractéristiques des
Moghols. Le superbe jardin devant le Taj Mahal se nomme un chahâr bagh,
mot perse signifiant jardin divisé en quatre parties par des canaux ou
des allées perpendiculaires.
C’est sous le règne d’Akbar que l’on vit apparaitre les bâtiments moghols d’envergure. Le premier est le mausolée d’Humayun (le père d’Akbar) à Delhi. Il est construit en grès rouge comme le deviendront la plupart des édifices sous son règne. C’est toutefois à Fatehpûr Sikri, nouvelle ville à 40 km d’Agra, que le style des monuments d’Akbar atteindra son plus haut degré de perfectionnement. Édifiée autour d’un lac, elle comprend une grande mosquée, une quarantaine de bâtiments, un bazar, un caravansérail, le tombeau d’un mystique, etc. Akbar est considéré comme le grand bâtisseur de l’ère moghole et commanditera des forts, des palais et des résidences dans de nombreuses villes.
Le fils d’Akbar, Jahangir, manifestait plus d’intérêt pour la peinture et les jardins. C’est sous son règne que s’amorça la transition des monuments en grès rouge vers ceux en marbre blanc comme en témoigne le superbe mausolée d'Itimâd-ud-Daulâ (son beau-père) à Agra. On doit aussi à Jahangir la conception des jardins de Shalimar à sa résidence d’été en bordure du lac Dal à Srinagar (Cachemire).
C’est à l’époque de Shah Jahan (fils de Jahangir) que le style moghol atteint sa perfection. Le Taj Mahal en constitue le point culminant avec son architecture combinant les styles persan, turc et indien. Fait de marbre blanc de grande qualité dont la couleur varie avec la lumière du jour, les joints sont taillés de façon à ce que le monument apparaisse parfaitement lisse. Pour le décor floral incrusté dans le marbre, on utilisa 28 pierres précieuses et semi-précieuses provenant de différentes régions de l’Inde ou d’autres pays comme l’Arabie, la Chine, le Tibet et le Sri Lanka. Le portail d’accès au Taj Mahal figure lui-même de chef-d’œuvre architectural.
Il fallut dix ans à Shah Jahan pour construire sa nouvelle capitale, Shahjahanabad, dont ne subsistent aujourd’hui que le Fort Rouge et la grande Mosquée (Jama Masjid) dans le vieux Delhi. Cette dernière détient le titre de plus grande mosquée de l’Inde. Le Fort Rouge, avec ses murs d’enceinte de 2 km de long, comprend plusieurs bâtiments typiques du palais moghol : salle d’audience privée, salle d’audience publique, jardins, bains, petit palais, appartements privés luxueux, mosquée, etc. Il demeure encore de nos jours un témoignage impressionnant de la magnificence moghole. Shah Jahan est aussi à l’origine de la rénovation du Fort Rouge à Agra et commandita de nombreuses mosquées, jardins, caravansérails et pavillons dans plusieurs villes.
Haveli de Jaisalmer
photo clara & james
Les Rajputs appartiennent à une caste royale de guerriers. Ils jouissent de la réputation de plus vaillants soldats du sous-continent indien. Bien que la présence de royaumes rajputs soit attestée au VIIe siècle, c’est entre le IXe et le XIe siècle qu’il commence à entrer dans l’histoire indienne en résistant avec plus ou moins de succès aux invasions musulmanes et plus tard, aux sultanats de Delhi. À la suite de conflits avec les premières dynasties mogholes, ils en arrivèrent à créer une alliance avec ces derniers sous le règne d’Akbar. Cette alliance se renforça par des mariages entre membres de la noblesse de chaque camp. Deux empereurs moghols, Jahangir et Shah Jahan sont nés de mères rajputes. Ultérieurement, des chefs rajputs deviendront officiers et administrateurs dans l’Empire moghol. C’est ainsi que les royaumes rajputs purent croître et prospérer pendant toute l’ère moghole. En fait, ils ont pu maintenir leurs États même lors de la colonisation britannique.
Les palais rajputs constituent des édifices complexes construits comme des citadelles entourées de la ville et à l’intérieur de murailles fortifiées. Comme la plupart sont situés au Rajasthan dans une zone désertique, ils donnent souvent l’impression de surgir des sables du désert. C’est particulièrement le cas à Jaisalmer où des pierres locales brun-jaune ont été utilisées pour la construction de cette cité fortifiée remarquablement bien conservée. Les plus vieux palais ayant survécu aux caprices du temps datent du XVe siècle et se situent à Chittor et Gwalior. Les palais de Jaisalmer, Bïkaner, Jodhpur, Udaipur et Kota représentent le style rajput arrivé à maturité (XVIIe et début du XVIIIe siècle). La forteresse de Jodhpur domine la cité et se trouve encerclée d’une énorme muraille longue de 9.5 km avec 101 bastions au-dessus d’une falaise de 36 m. La fondation de Jaipur en 1727 incarne la phase finale de l’architecture rajput. La ville est entourée d’un mur parcouru de tours et bastions à intervalles réguliers. Le palace est situé au centre de la cité emmurée et représente une synthèse spectaculaire des styles rajputs et moghols. Il comprend entre autres le célèbre Hawa Mahal, ou Palais des Vents, qui est pourvu d’une façade symétrique à cinq étages en grès rose avec 953 petites fenêtres admirablement sculptées.
Une autre particularité de l’architecture Rajput est la construction
d’havelis, mot perse désignant
une résidence privée. Ces lieux
d’habitation exprimaient le statut social des marchands et des
commerçants qui y habitaient. On les retrouve essentiellement au
Rajasthan. Ils sont spacieux et finement décorés avec des chhajjas
(pare-soleils), des jharokâ
(fenêtres balcons) et des jalis
(fenêtres
en treillis). Ces manoirs étaient construits autour d’une cour avec un
portail d’entrée (darwazas)
richement orné. Un des plus célèbres se nomme
le haveli de Patwa à Jaisalmer. La vie des femmes dans ces habitations
est très bien décrite dans le roman « À l'ombre du haveli » de Rama
Metha.